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Mais, malgré cette indépendance et cette nouveauté, ces organismes de phases de civilisation, en devenir incessant, parcourent, exactement comme les organismes animaux ou végétaux, les mêmes stades, ont le même développement, les mêmes étapes, la même fin : “Ils naquirent, vécurent, et moururent toujours dans un même ordre” ; ainsi Spengler peut, à l’instar de G. Ferrari, établir une véritable théorie des “périodes politiques”, et dresser les tables comparatives des différentes époques de vie spirituelle, culturelle, politique qui se rencontrent parallèlement dans tous les organismes de phases de civilisation qui ont existé sur la terre et qui nous permettent donc de connaître avec certi- tude ce que sera le devenir prochain de notre propre phase, de prévoir que la civilisation occidentale (comme l’égyptienne de la dix-neuvième dynastie, la romaine des années 100 à 300 ap. J.-C., la chinoise des années 25 à 220 ap. J.-C.) entrera, vers l’an 2000, et après avoir traversé la période du “monde comme butin”, dans celle du raidissement et de l’impuis- sance du mécanisme impérialiste contre l’élan conquérant des jeunes peuples et la lente émergence des états de vie primitifs — dans la période, donc, de son agonie et de sa mort.
Un autre penseur génial, Karl Joël, qui, dans son Geschichte Der Antiken Philosophie, avait fait preuve d’un profond sens de l’historicité, ne soutient-il pas (reprenant à son compte le concept fondamental de Ferrari), dans sa dernière œuvre qui rassemble tout le fruit de sa pensée, de sa profonde doctrine et de son intime compréhension et pénétration de l’esprit de l’époque, que l’histoire humaine procède uniformément par phases successives, chacune d’une durée d’un siècle, de Bindung c’est-à-dire de mise au pas, de resserrement des liens, de subordination, et de Lösung, c’est-à-dire de détachement des liens, de libération de l’esprit et d’individualisme ?
Précisément ce sens de l’histoire nous ramène à la conception schopenhauerienne ; il en est la confirmation la plus sûre ; il revient à nier toute réalité substantielle du processus historique, toute signification rationnelle de celui-ci, nier qu’il produise effectivement quelque chose de véritablement nouveau (parce que véritablement nouveau ne pourrait pas être autre chose qu’une étape qui progresse vers un but, et jamais un élément dans un processus éternel, c’est-à-dire nécessairement destiné à être lui-même). “L’humanité n’a aucune fin, aucune idée, aucun plan, tout comme l’espèce des papillons ou des orchidées n’a aucune fin”. Telle est la pensée définitive que nous laisse le sens historique, parvenu à son comble, comme c’est le cas chez Spengler. La pensée que tout comme nous, individus, nous mourons et tombons dans l’obscurité absolue de l’oubli, meurent aussi, sans aucune possibilité de retour, pas même indirecte ou par reflet, tous ces différents individus d’une autre échelle que sont les phases successives de civilisation humaine ; qu’aucune de ses phases, que la nature continue inlassablement de produire, n’est semblable, comme aucune orchidée n’est semblable à l’autre, mais que chacune reproduit (comme chaque orchidée) le même type et vit le même cycle de vie ; que donc (selon la claire et profonde intuition de Guicciardini, confirmée par l’histoire moderne), “tout ce qui a été par le passé et est à présent sera aussi à l’avenir, mais les noms et la surface des choses changent de sorte que l’homme qui n’a pas l’œil bon ne les reconnaît pas” soit “tout ce qui a été par le passé, est présent en partie, et en partie sera dans le futur, et chaque jour revient, mais sous des déguisements variés et de différentes couleurs, de manière que celui qui n’a pas bon œil, le prend pour nouveau ou ne le reconnaît point, mais celui qui a bonne vue sait s’appliquer et faire la distinction et considérer quelles sont les différences substantielles et celles qui n’importent pas, le reconnait facilement” : que, dans leur ensemble, toutes ces phases de civilisation, productions naturelles qui reviennent sans cesse sans qu’y préside une fin, une idée, un plan, ont donc véritablement le sens et l’importance de l’espèce “orchidée”, sont l’explication d’un processus qui, devant se concevoir sans fin ni but, ne peut être, comme dans la conception de Schopenhauer, doté de raison ; cette pensée ne peut que contraindre à répondre affirmativement au doute, qui vint à l’esprit de Lotze, selon lequel l’histoire humaine n’est rien d’autre que le retour des mêmes peines, des mêmes douleurs, des mêmes malentendus et des mêmes folies, changeant seulement dans la diversité du scénario externe ; doute selon lequel la fécondité inassouvie avec laquelle la terre jette hors des temps infinis des généra- tions d’hommes, tous du même type externe et interne, de même forme et de même condition de vie, semblables aux animaux, est la preuve que nous sommes des apparences (Erscheinungen) éphémères, qu’une force originelle éternelle, dans son excès de production et d’anéantissement, créé sans but et fait successivement disparaître ; doute selon lequel chaque civilisation, tout en semblant bâtie pour l’éternité, est toujours destinée à être détruite par des hasards imprévisibles, et selon lequel chaque progrès d’un côté est lié à une perte de l’autre, de sorte qu’en comparant le succès avec les efforts nécessaires, le gain avec les pertes, l’augmentation de la culture avec la croissante difficulté de sa participation, le degré de perfection et de bonheur humain atteint une grandeur presque toujours constante.
Répétition et absurde. Absurde parce que répétition, répétition parce qu’éternité de l’absurde. Tel est le concept de l’histoire que le sens de l’historicité, dans son intensité et son acuité la plus moderne nous renvoie.
si nous pouvons nous permettre d'exister,
ce ne sera que grâce à nos lecteurs.
« Nous sommes ce soir la troisième force politique en France (...) les français veulent que l’écologie aussi soit au coeur du jeu politique. », affirmait, le sourire aux lèvres, Yannick Jadot au QG d’Europe Écologie - Les Verts (EELV), le soir des résultats des élections européennes. Passé l’enthousiasme du résultat des « Verts » aux élections européennes de mai dernier, une question peut être posée : n’est-ce pas contre le « jeu politique », justement que les français ont voté en poursuivant le travail de sape des partis traditionnels et en permettant l’émergence d’un parti comme le sien ?
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