Le constat est donc sans appel : on ne s'ennuie plus, on ne sait plus s'ennuyer. Notre société du travail bannit l’ennui. Sa valeur suprême est l’activité, la sollicitation et si on s’ennuie c’est qu’on n'est pas aussi efficace qu’on pourrait l’être. La recherche de la performance. Dès que l'on doit combler quelques minutes d'attente, de non-activité, dans une salle d'attente, dans le métro etc... on a à notre disposition un arsenal d'armes afin de "tuer l'ennui" (avouez que l'expression veut dire quelque chose : il s'agit de tuer Mr. Ennui) : les réseaux sociaux, Candy Crush ou écouter de la musique aident à combler ces moments.
Et pourtant on parle bien encore d'ennui aujourd'hui. On dit que l'on s'est ennuyé lorsque l'on avait rien de spécial à faire et que l'on s'est alors retrouvé à lire, regarder la télévision, aller sur Netflix ou Youtube. Pourtant notre esprit est bien occupé à quelque chose et est stimulé par des stimuli externes. Tout cela vient du fait que l'on associe l'ennui avec la non-productivité. Vision bien capitaliste de la chose.
Pris dans nos rythmes de vie effrénés où nous sommes hyper connectés en permanence, nous avons désormais du mal à supporter les moments d’ennui. C'est une évolution pour l'Homme. Nos ancêtres (on ne parle pas de tatie Danielle hein, mais les hommes des cavernes) connaissaient de longues périodes d'inactivité. On peut donc penser que notre être est fait pour connaitre ces périodes.
Or aujourd'hui, s'ennuyer n'est plus au programme. En 2015, les résultats d'une expérience assez surprenante ont été publiés dans la revue Science. Des scientifiques ont placé des individus choisis au hasard dans une pièce vide sans rien à faire pendant 15 min. Juste eux. Néanmoins, les cobayes avaient le choix : ils pouvaient choisir de ne rien faire et donc de s'ennuyer ou bien ils avaient à leur disposition un bouton qui délivre un choc électrique. Le résultat est sans appel : 66% des individus de sexe masculin appuient sur ce bouton car cela les occupe même s'ils reçoivent une décharge en échange.