« Dans notre société, tout homme qui ne pleure pas à l'enterrement de sa mère risque d'être condamné à mort. » (Albert Camus)
À la différence des autres, Meursault ne vit pas dans ce que Jacques Lacan nomme le « senti-ment » (sentir et mentir). Lorsque son avocat lui demande s’il peut dire que le jour de l’enterrement qu’il avait retenu ses sentiments naturels, Meursault lui répond « Non, parce que c’est faux ». Lorsque le procureur lui demande s’il regrette son crime, Meursault lui répond qu’il ressent plus de lassitude que de remords véritables. Le protagoniste ne cherche pas à transgresser délibérément les grands principes moraux qui servent de repères aux individus, mais il refuse d’affirmer ce qui n’est pas, c’est à dire ce qu’il ne sent pas.
Meursault est en décalage avec la société car il n’aspire qu’à une seule chose : vivre dans le senti, en témoigne cette réflexion qu’il exprime le lendemain de l’enterrement de sa mère « C’était une belle journée qui se préparait. Il y avait longtemps que j’étais allé à la campagne et je sentais quel plaisir j’aurais pris à me promener s’il n’y avait pas eu maman ». Or la société ambitionne autre chose : se simplifier la vie afin de l’ordonner. Le mensonge constitue à ce titre une condition sine qua none au bon déroulement du jeu social. Refuser de mentir c’est mettre en péril une société qui plutôt que d’accepter les individus tels qu’ils sont, attend d’eux un certain conformisme.
Le paradoxe de Meursault c’est d’être jugé coupable par la société pour avoir innocemment refusé de juger comme les autres. L’important pour ceux qui le jugent est de déterminer un lien logique entre le criminel en puissance et le criminel qui passe à l’acte. Aux yeux de la société, c’est un criminel et c’est pour cela qu’il a tué. Mais à ses yeux, il a tué et il doit en conséquence s’habituer à cette essence de criminel qu’on a décidé de lui apposer.
Meursault ne s’inscrit dans aucun ordre rationnel. Pourquoi décide-t-il de se marier ? Pourquoi a-t- il tué l’arabe ? Aucune logique ne semble se déceler lorsqu’il prend une décision. Si, longtemps, Meursault s’accommode de cette absurdité, il n’en prend véritablement conscience que lors du procès. La société tente à travers la marche normale de la justice humaine de trouver ou plus exactement d’imposer des justifications à des actes dénués de sens. Or, Meursault oppose un refus catégorique à cette tentative de la société de fabriquer un ordre rationnel. Il réalise l’issue du destin de chaque homme : la mort. De l’inévitabilité de cette fin, il déduit la certitude du non-sens de la vie.
Lors de ce procès on lui demande trop fortement de suivre des règles sociales qu’il ne parvenait d’ores et déjà en temps normal à satisfaire. Lorsque l’aumônier essaie de lui faire admettre dans son intérêt que sa main était étrangère à son corps et à son âme, lorsqu’il a tiré sur l’arabe, Meursault l’éconduit sans ménagement.
Bien que Camus ne se réfère jamais explicitement dans L'Étranger à la notion d'absurde, l’attitude de Meursault permet de mieux saisir ce concept: l’absurde ce n’est pas le réel, mais la volonté d’y mettre un sens. Néanmoins, cette idée perturbe le corps social, les actions et les choix des individus ne peuvent être dénués de sens. La condamnation à mort de Meursault n’est qu’une tentative dérisoire de la société d’établir un ordre rationnel dans un monde irrationnel.
si nous pouvons nous permettre d'exister,
ce ne sera que grâce à nos lecteurs.
« Nous sommes ce soir la troisième force politique en France (...) les français veulent que l’écologie aussi soit au coeur du jeu politique. », affirmait, le sourire aux lèvres, Yannick Jadot au QG d’Europe Écologie - Les Verts (EELV), le soir des résultats des élections européennes. Passé l’enthousiasme du résultat des « Verts » aux élections européennes de mai dernier, une question peut être posée : n’est-ce pas contre le « jeu politique », justement que les français ont voté en poursuivant le travail de sape des partis traditionnels et en permettant l’émergence d’un parti comme le sien ?
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