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COP26 : l'(in)action climatique et le mirage du monstre du Loch Ness

06.01.2022 – Par Théodore Tallent

En novembre dernier, alors que les dirigeants du monde entier se réunissaient à Glasgow pour la COP26, il aurait été difficile de ne pas filer la métaphore du monstre du Loch Ness pour décrire l'action climatique : tout le monde en parle, mais personne n'en a vu la moindre trace. Après trois décennies d'évaluations, d'engagements politiques et de rassemblements internationaux, n'est-il pas venue l’heure de passer de la légende à la réalité ? N'y aurait-il pas de meilleur moment pour joindre l'acte à la parole ?

Quelques mois avant la COP, l’année 2021 avait d’abord été celle de la sortie d’un nouveau rapport du GIEC. Le groupe d’experts soulignait que le réchauffement climatique n’était plus une perspective alarmante pour le futur mais d’ores et déjà une actualité pressante, avec des conséquences « irréversibles pour des siècles ou des millénaires ». Les experts internationaux alertaient contre les points de bascules qui risquaient de faire chavirer le monde vers des territoires inconnus et dramatiques. Après un tel appel à l’action, nous ne pouvions alors qu’espérer recevoir nos cadeaux de Noël avant l’heure, à Glasgow.

La COP26 avait débuté par un ballet de bonnes intentions, de déclarations pleines d'espoir et de récits inspirants de la part des « leaders mondiaux ». Lorsque la chancelière allemande Angela Merkel soulignait que nous n'étions « pas encore là où nous devions être », elle faisait probablement référence à son engagement bien trop modeste pendant des décennies pour décarboner un secteur énergétique encore très dépendant des combustibles fossiles, notamment du charbon. Pourtant, ce n'est probablement pas le Premier ministre canadien Justin Trudeau qui lui fera la leçon. Malgré son discours engagé sur la catastrophe qui s'est produite il y a quelques mois au Canada, lorsque des feux de forêt dévastaient une ville entière, il a omis d’évoquer son incapacité à réduire les émissions de la puissante industrie canadienne des sables bitumineux, en partie responsable des catastrophes climatiques qu'il dénonce justement. Son voisin américain, le président Joe Biden, n'en dira pas un mot. Même s'il a rivalisé de superlatifs et promis que les Etats-Unis allaient « montrer l'exemple », il a oublié de mentionner que l’ « exemple » auquel il faisait référence était très certainement la récente autorisation accordée à l'exploration pétrolière dans le Golfe du Mexique.

Et pourtant, même si ces pays sont très loin d’être les premiers de la classe, il ne faut pas oublier de mentionner ceux qui ont tout simplement quitté la classe. Comment ignorer l'absence du leader du pays responsable de plus d'un quart des émissions mondiales, le président chinois Xi Jinping ? Comment ignorer celle de Jair Bolsonaro, président du Brésil, un pays où le taux de déforestation a explosé et a atteint en 2020 son plus haut niveau de la décennie ? Si certains pays sont conscients des problèmes et n'en font pas assez, d'autres ne semblent même pas l’être ou, s'ils le sont, ont décidé de participer activement au désastre. Dans tous les cas, cela ne mènera qu'à un seul résultat : les conséquences irréversibles et dramatiques du changement climatique.

Et si l'on ajoute à ces discours politiques les annonces de dirigeants de multinationales comme Jeff Bezos, dont les promesses de lutte contre le changement climatique peinent à camoufler l'impact désastreux de son entreprise, Amazon, et de son nouveau programme de tourisme spatial, il est difficile de ne voir dans l’ensemble de ces engagements rien d’autre qu’une somme de petits pas qui ne seront pas à la hauteur.

« En regardant la Terre de là-haut [dans l’espace], l’atmosphère semble si mince, le monde si limité et si fragile. Maintenant, en cette année critique et ce que nous savons tous être la décennie décisive, nous devons tous nous unir pour protéger notre monde. »

Jeff Bezos


Le problème n'est pas que les dirigeants restent de grands rêveurs, c'est qu'ils veulent que nous croyions avec eux. Pour nous convaincre, ils nous racontent de belles histoires. Malheureusement, nous ne pouvons plus nous permettre ces belles histoires. Nous devons agir.

Cette COP a eu quelques réussites, notamment à travers diverses coalitions d’Etats rassemblés, par dizaines ou plus d’une centaine, pour réduire leurs émissions de méthane, cesser la déforestation à horizon 2030, désinvestir dans les projets d’usines à charbon ou multiplier les investissements dans les pays en développement. De nouveaux projets furent présentés, comme la signature par l’Allemagne, la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Union européenne d’un partenariat de 8,5 milliards de dollars pour financer la transition énergétique de l’Afrique du Sud. Cette année a là encore eu son lot de petits pas, mais ce ne sera pas assez pour être à la hauteur de l’enjeu. Le président britannique de la COP26, Alo Sharma, l’a reconnu lui-même lors de son discours de clôture, en formulant ces quelques mots : « Permettez-moi de dire à tous les délégués que je m'excuse pour la façon dont ce processus s'est déroulé et que je suis profondément désolé ». Au bord des larmes, cette « grande déception » qu’il a souligné fut la conséquence du dernier coup de hache donné au texte final de la COP par la Chine et l’Inde : il ne sera plus question de « sortie » du charbon mais de « réduction ». C’est connu, compte tenu de l’urgence climatique, une énergie dont l’intensité carbone est de 1 000 g/kWh produit (contre 400 pour le gaz et une dizaine pour l’éolien ou le nucléaire) ne mérite pas une telle sentence.

Malheureusement, en 2021, le monstre du Loch Ness a encore une fois refusé de sortir de son lac. Espérons qu’il en soit autrement en 2022.

« Il n’y a pas d’amour, il n'y a que des preuves d'amour » nous disait le poète Pierre Reverdy. Il en va sans aucun doute de même pour l'action climatique.

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