A moins d’être Elon Musk ou Jeff Bezos, cette réponse est très probablement « non ». Pour la première fois depuis la fin du second conflit mondial, une large majorité des parents sont inquiets pour l’avenir de leurs enfants et pensent que leur progéniture aura une vie plus ardue que la leur… le pessimisme est de mise. Pourtant la confiance en l’avenir est un instrument primordial du développement de nos sociétés fondées sur l’idée de progrès. Les responsables politiques ont les yeux constamment rivés sur les chiffres de confiance des consommateurs, garants d’une future bonne santé économique tant espérée…
Fin 2018, 10 ans après la crise de 2008, l’institut de sondage Pew Research Center a réalisé un sondage dans 27 pays sur leur confiance en l’avenir. Dans plus de la moitié des pays, la population estime que la vie était financièrement plus facile il y a 20 ans qu’aujourd’hui (87% des grecs). Mais surtout dans 18 des 27 pays étudiés, plus de la moitié des sondés pensent que le contexte économique sera plus difficile pour leurs enfants (80% des Français).
Plus récemment, la pandémie qui a plongé le monde dans l'incertitude ainsi que l’assurance du changement climatique associés à toutes ses difficultés amplifient ce pessimisme.
« L’électricité, avant d’être l’humble servante de l’industrialisation et de devenir celle de l’électronique et des technologies de l’information, s’est d’abord présentée à l’Europe curieuse comme une immense espérance, qui a fait se pâmer les foules. »
Tristan Garcia, La vie intense
« Nous autres, civilisations, nous savons maintenant que nous sommes mortelles. […] Nous sentons qu’une civilisation a la même fragilité qu’une vie. »
Paul Valéry, La Crise de l’esprit
L’utopie civilisationnelle est désormais terminée. La première guerre mondiale aura causé plus de 18 millions de morts, plus de 20 millions de blessés dont plus de 5 millions de gueules cassées, le bilan est lourd, et difficile de continuer à croire que l’homme s’envole vers une quelconque civilisation utopique.
Idem après la seconde guerre mondiale, toute la cruauté potentielle d’un être humain est actualisée lors de ces funestes années. D’autant plus que le IIIème Reich devait être le Reich de mille ans, le souhait profond du projet nazi était la création d’un homme nouveau avec l’avènement de la race aryenne. Et les idéaux du pangermanisme et la conquête de la Grande Allemagne montrent en fin de compte le revers de la médaille utopique. Utopie et dystopie ne sont finalement que deux faces d’une même pièce, le souhait du projet nazi était d’une certaine manière celui de la création d’un monde utopique, mais utopie et réalité font rarement bon ménage.
Enfin, la seconde guerre mondiale se termine pour l’humanité par le 6 et 9 août 1945. Comment continuer à croire, après l’utilisation de la bombe nucléaire, à la sagesse des hommes ? Comment espérer que la technique nous rendra plus dignes, fera de nous des hommes meilleurs et raisonnables ? Le voile est tombé, et la réalité apparaît telle qu’elle est. Et ce n’est pas une coïncidence si les dystopies qui fleurissent sur les étals des librairies concernent presque tout le temps une société dont la technologie a viré au cauchemar.
Le futur a déçu. La part d'enfants ayant eu un meilleur niveau de vie que leurs parents est en effet passée de 90% pour les Américains nés en 1940 à 50% pour ceux nés en 1984. Le capitalisme d’après-guerre offrait un horizon de progrès collectif par la consommation, mais surtout un horizon de progrès égalitaire. Or tout cela s’est vite fissuré à partir du premier choc pétrolier de 1973. Si bien qu’aujourd’hui cette promesse futuriste a déçu, le monde est inégalitaire, le progrès collectif s’est enrayé.
si nous pouvons nous permettre d'exister,
ce ne sera que grâce à nos lecteurs.
This page was made with Mobirise
Nous suivre