Au niveau personnel, il est possible de réduire notre addiction à ces réseaux et de bloquer les mécanismes psychologiques d’attraction. Tristan Harris, un des chantres de la lutte pour l'éthique sur internet nous propose par exemple de mettre notre téléphone en noir & blanc afin de contrer l’effet attirant des couleurs vives des applications. Ensuite, diverses applications existent comme l’application News Feed Eradicator qui supprime de notre vue le fil d’actualité Facebook, ainsi si l’on souhaite prendre des nouvelles d’une personne on se rend directement sur son profil ; ou encore le plugin Shutup qui supprime de notre vue les commentaires Facebook sous les publications et qui nous permet de masquer les avis souvent superficiels des personnes qui commentent. Tristan Harris conseille également de désactiver toutes les notifications, annulant ainsi l’effet FOMO, sauf celles qui nous informent lorsqu’un réel humain souhaite communiquer avec nous comme les SMS ou les appels. Il s’agit de redevenir maître de ses émotions et de consulter ces réseaux sociaux lorsqu’on le souhaite et non pas lorsque Facebook le souhaite.
Ensuite, il est important que la transparence dans le fonctionnement de ces réseaux soit au cœur de leurs actions. Cette dernière est souvent volontairement noyée dans des documents acceptés par les utilisateurs lors de leur inscription afin de rendre opaque le fonctionnement des réseaux sociaux. L’application de la transparence dans le fonctionnement de ces réseaux répondrait aussi à la reconnaissance du vrai rôle sociétal par les entreprises elles-mêmes. Il y a une déresponsabilisation généralisée et chronique de ces entreprises vis-à-vis de leur rôle sociétal qui n'est pas en accord avec le vrai impact qu'ont ces dernières sur le quotidien de leurs utilisateurs.
Mais tout n'est pas tout noir non plus, des progrès sont fait et on peut notamment citer le règlement général sur la protection des données (RGPD), initiative européenne entré en vigueur fin mai 2018 et qui vise a renforcer la protection des données personnelles des utilisateurs au sein de l'Union Européenne. Ce texte novateur, comme tout texte de loi voit pourtant son application difficile par les entreprises privées. Elles en profitent au contraire pour rappeler ô combien elles sont respectueuses de nos données via d'énormes campagnes de communication qui professent qu'elles sont en accord avec cette loi, mais de manière subtile, elles nous aident à leur donner un "
consentement assisté" afin de pouvoir perpétuer leur modèle économique si lucratif. Dans les fait, bien que cette mesure soit un progrès, son application reste encore difficile et l'interprétation des textes de loi est un obstacle à une application éthique et rigoureuse.
Mais si un cadre éthique est si dur à appliquer à ce secteur, c'est aussi car il y a une incompréhension globale du fonctionnement de ces entreprises. Il est inutile de rappeler combien ces entreprises sont récentes et donc le gap générationnel qui existe entre les législateurs et les mécanismes utilisés par ces entreprises afin de fonctionner et afin de récupérer des données sur leurs utilisateurs. On pensera avec un sourire en demi teinte à la question posée par un sénateur américain à Mark Zuckerberg lors de son audition devant le Sénat suite au scandale Cambridge Analytica où le sénateur lui demande comment Facebook gagne de l'argent en proposant un service gratuit à ses utilisateurs, et où Mark Zuckerberg lui répond avec un sourire "Senator we run ads". On voit bien l'incompréhension du problème de fond dans le fonctionnement de ces entreprises, où on assiste à un vrai décalage générationnel entre ces services et le cadre censé les encadrer.
Ainsi, comme nous l'avons montré, les Etats s’occupent rarement de ces questions technologiques et sont généralement dans une incompréhension face aux mécanismes utilisés par ces entreprises. S’en suit donc un vide législatif et surtout un vide de compréhension. Aujourd’hui ces entreprises sont tellement puissantes qu’elles peuvent presque être considérées comme des entités aussi puissantes que certains Etats, dès lors, il en est de la responsabilité des Etats, et dans l’intérêt de leurs citoyens, d’entretenir des relations avec ces entreprises afin de comprendre leur monde, leurs intérêts mais surtout leur faire passer des revendications éthiques. Ainsi, le Danemark a nommé le premier ambassadeur de la tech en la personne de Casper Klynge. Il a pour mission d’établir des liens directs avec les grandes entreprises de la Silicon Valley. L’objectif est de permettre au Danemark de comprendre les bouleversements qu’induisent ces entreprises tout en favorisant les intérêts du pays et les nécessités de davantage de considérations éthiques par le biais d’un canal de communication direct. On assiste donc à l'ébauche de nouvelles pratiques qui permettent un discours équitable qui prend ses fondements dans la reconnaissance des qualités des parties, ce qui émerge aujourd'hui.
Mais le récent scandale de Cambrige Analytica, la mise en place du RGPD, la prise de conscience globale qui émerge quant à l'importance de ces entreprises sur nos vies participe de la reconnaissance du rôle de ces dernières dans la société et fait prendre conscience aux individus de l'importance de la confidentialité de leurs données, c'est un mouvement qui émerge aujourd'hui et qui ne demande qu'a continuer. Bien que nous sommes confrontés à ce fonctionnement et que nous y voyons là la seule initiative possible, il nous faut voir plus largement pour imaginer d'autres manières de faire plus respectueuses des individus.
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